Ce qu'il faut savoir avant de se lancer en freelance, avec Jonathan Cohen, CEO d'Acasi

Une des choses qui m’a marquée quand je me suis lancé en freelance (bien avant de rejoindre Wemind) c’est le nombre de nouvelles notions à intégrer d’un seul coup. Les différents statuts, les règles fiscales, la facturation, la comptabilité, et j’en passe... Mal de crâne instantané !

Chez Wemind, nous cherchons à simplifier la vie des indépendants, et c’est quelque chose que nous partageons avec Acasi, l’expert-comptable spécialisé pour les indépendants et freelances.

C’est pourquoi nous sommes allés demander à Jonathan Cohen, le fondateur et CEO d’Acasi, les choses qu’il considère essentielles de savoir avant de se lancer en freelance. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que j’aurais bien aimé faire cet interview AVANT de me lancer.

Nous avons abordé avec lui :

  • La question des statuts : les différences et comment choisir
  • La comptabilité : les règles à connaître et comment s’en sortir
  • Le TJM : ce qu’il faut prendre en compte pour le définir

Wemind : Quand on veut se lancer en indépendant, on pense souvent au statut d’auto-entrepreneur qui est assez populaire. Pourtant ce n’est pas forcément toujours une bonne idée en fonction de sa situation et de son projet. Quand est-ce que tu conseilles ce statut, et quand est-ce mieux de se tourner vers un autre ?

Jonathan Cohen : Le gros avantage du régime d'auto-entrepreneur, c'est la simplicité. Ce statut est basé sur un formalisme simplifié pour la création de l’entreprise et pour sa gestion. Il permet d’obtenir très vite un numéro SIRET et donc de pouvoir commencer à facturer rapidement.

La gestion de l’auto-entreprise est suffisamment simple pour ne pas avoir besoin d’expert-comptable. Il n’y a pas de comptabilité complexe à tenir, pas de bilan de fin d’année ou autre document comptable. Pour ceux qui veulent se lancer, c’est un bon moyen de passer le pas, surtout si on a la barrière de la phobie administrative.

Mais le statut présente des inconvénients même quand on se lance, et ils sont liés au principe même du régime d’auto-entrepreneur.

Revenons à un principe de base : En France, quoi que l’on fasse, il y a l’obligation de participer au financement du système de protection sociale. Cette règle s’applique à toutes les formes d’entreprise.

Pour les auto-entrepreneurs, le mode de cotisation est basé sur votre chiffre d’affaires. Le régime fiscal définit un niveau forfaitaire d’imposition qui prend en compte la nature de votre activité*, mais il ne tient pas directement compte de vos charges et des bénéfices que vous générez. Cela veut dire que dans certains cas le niveau d’imposition se révélera moins intéressant que les autres statuts.

Toujours sur la question de l’imposition, il y a la possibilité de bénéficier du versement libératoire qui est une sorte de prélèvement à la source. Cette option que vous choisissez au moment de la création du statut peut donner lieu à des erreurs, notamment si vous n’êtes pas imposable. C’est un point d’alerte à garder en tête au moment du remplissage du formulaire.

Un autre avantage réputé du régime est qu’il permet de ne pas avoir à gérer la TVA. Il est vrai que cela enlève de la complexité dans la gestion, mais cela représente surtout un coût supplémentaire. Prenons l’exemple de l’achat de matériel : sur un ordinateur à 2 000 € la TVA représente 400 € (20%). Une entreprise assujettie à la TVA pourra la récupérer, à l’inverse de l'auto-entrepreneur qui n’en a pas la possibilité.

L’exonération de TVA est cependant conditionnée au non-dépassement d’un certain seuil**. À partir du moment où l’on devient assujetti, la donne change et on a l’obligation de facturer la TVA à ses clients. Lorsque les clients de l'auto-entrepreneur sont des entreprises, dans la très grande majorité des cas ils peuvent la récupérer (de fait, il s'agit d'un simple décalage de trésorerie, elles raisonnent HT et non TTC), par contre si les clients sont des personnes physiques, aucune possibilité pour lui de récupérer la TVA (et le coût de la prestation est d'autant plus élevé).

L’exonération de TVA est cependant conditionnée au non-dépassement d’un certain seuil**. À partir du moment où l’on devient assujetti, la donne change et on a l’obligation de facturer la TVA à ses clients. Lorsque ce sont des entreprises, dans la très grande majorité des cas elles peuvent la récupérer (de fait, il s'agit d'un simple décalage de trésorerie, elles raisonnent HT et non TTC), par contre si les clients sont des personnes physiques, aucune possibilité pour elles de récupérer la TVA (et le coût de la prestation est d'autant plus élevé).

Pour conclure sur le régime de l’auto-entreprise, il peut être intéressant pour certains profils qui veulent se lancer et permet de se mettre le pied à l'étrier. Cependant, nous considérons la plupart du temps que dès que le chiffre d’affaires annuel dépasse les 30 000 € ou 40 000 €, la micro-entreprise commence à ne plus être intéressante. Et dans tous les cas, il est préférable de ne pas attendre d’atteindre le plafond de 70 000 € de CA pour passer au statut d’entreprise.

De même, si l’on bénéficie des indemnités Pôle Emploi en parallèle du lancement de son activité, il y a également plus d’intérêts à s’intéresser aux statuts d’entreprise.

*Abattement forfaitaire sur le CA pour le calcul de l'impôt sur le revenu :

  • Activités de vente ou de fourniture de logement : Le bénéfice imposable est de 29% du CA ;
  • Activités relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) : Le bénéfice imposable est de 50% du CA ;
  • Activités relevant des bénéfices non commerciaux (BNC) : Le bénéfice imposable est de 66% du chiffre d'affaires ;
  • Dans tous les cas, l’ abattement minimum est de 305 €.

**Seuils du régime d’exonération de la TVA :

  • Activités de prestations de services et professions libérales relevant des BNC et BIC : 34 400€, ou 36 500€ si le CA de l'année N-1 est inférieur à 34 400€.
  • Activités commerciales et d’hébergement : 85 800€, ou 94 300€ si le CA de l'année N-1 est inférieur à 85 800€.

Ça tombe bien, c’était un autre point que je voulais aborder avec toi : la question des différents statuts d’entreprise. On peut commencer à dégrossir le sujet en abordant les 2 catégories : l’entreprise individuelle et la société. Qu’est-ce qui les différencie ?

La première différence entre le régime individuel et la société, c’est que dans le premier cas, on va exercer son activité en son nom, alors qu’une société va avoir une personnalité juridique propre. Cela va avoir des répercussions d’un point de vue juridique : En entreprise individuelle, il y a une fusion entre le personnel et le professionnel, alors que côté société, il y a une séparation complète.

La première implication est au niveau de la responsabilité et notamment en cas de mise en liquidation. Ce qu’il faut savoir, c’est que dans une entreprise individuelle le patrimoine personnel peut être saisi. À noter que la loi a fait l’objet de plusieurs ajustements qui vont dans le sens de limiter les responsabilités et d’éviter, par exemple, qu’un entrepreneur perde sa résidence principale en cas de liquidation.

Ensuite, en termes de cotisations et de gestion, il n’y a pas de réelle différence. Chaque statut donne des possibilités d’optimisation et il faut rentrer dans le détail pour se faire une idée précise. À ce moment-là, il va être intéressant d’être accompagné par exemple par son expert-comptable qui va pouvoir vous conseiller, mais également anticiper les prochaines étapes du développement de l’entreprise.

Aujourd’hui chez Acasi, on conseille très rarement de créer une entreprise individuelle, car ça ne coûte désormais pas plus cher de créer une société. Et à un moment donné du développement de l’entreprise, il sera de toute façon plus intéressant d’être sous le statut de société. Quand ça arrivera, il faudra alors envisager un changement de statut et cela coûtera de l’argent.

Donc, s’il n’y a pas de contraintes au niveau du domaine d’activité (agent mandataire immobilier ou autre) et qu’on est certain de son projet entrepreneurial, on conseille généralement de partir sur un des statuts de société.

Et pour compléter l’analyse des statuts : quelles sont les caractéristiques des différentes formes de société, c’est-à-dire EURL/SARL et SASU/SAS ? Comment choisir celle qui correspond le mieux à sa situation, à son projet ?

Entre EURL et SASU, la question se pose au niveau de la rémunération du dirigeant. En tant que président de SASU, on n’aura pas la même paie, ni les mêmes obligations qu'un dirigeant d’EURL.

Le choix est crucial, car en fonction du statut, c’est la part du pourcentage du chiffre d’affaires généré que l’on perçoit qui changera. Ce qu’il se passe en général (pour un célibataire sans enfants), c’est que le statut EURL est plus intéressant jusqu’à 120 000 € de CA, au-delà il est préférable d’opter pour la SASU.

En revanche, ce qu’on observe, c’est que les entrepreneurs qui bénéficient de l’aide financière de Pôle Emploi (ARE ou indemnités chômages) choisissent généralement la SAS.

Chaque situation est différente et c’est là tout l’intérêt d’être accompagné par un expert-comptable au moment de la création de l’entreprise. Il va vous donner les informations sur les différents statuts, les contraintes, les aspects légaux, et ce qu’il va se passer à moyen terme.

Il faut également garder en tête que l’on n’est pas marié à vie à son statut. Chez Acasi, on conseille aux entrepreneurs que l’on accompagne, de réévaluer leur statut au bout de 2 ans après leur création.

Merci d’avoir éclairci la question du statut car quand on se lance en freelance c’est souvent un moment où l’on se fait des nœuds au cerveau ! Une autre source d’inquiétude, c’est la comptabilité. De ce point de vue là, qu’est-ce qu’il faut savoir ?

Du côté de la micro-entreprise, les obligations sont assez allégées. C’est une des caractéristiques de ce régime. Ça va se restreindre au fait de tenir un livre de recettes et de dépenses, d’avoir un compte bancaire professionnel et de faire des factures avec les bonnes mentions. Pour tout ça, il n’est pas nécessaire d’être accompagné par un expert-comptable.

En revanche, si l’on est assujetti à la TVA, les obligations vont être plus poussées. Il va falloir tenir une comptabilité sur les factures qui permettra de récupérer la TVA. Et les règles sont assez complexes, avec des clés de répartition, etc. À ce moment, il devient important d’être accompagné.

Ensuite, pour les autres statuts d’indépendant (que ce soit en entreprise individuelle ou en société) les obligations sont les mêmes. C'est-à-dire que le droit commercial et le droit fiscal s’appliquent. Il faut alors tenir une comptabilité en bonne et due forme, conserver les justificatifs sur toutes les opérations et tenir un livre de comptabilité. C’est généralement là qu’il faut passer par un expert-comptable. Il va vous accompagner et vous permettre de vous conformer à vos obligations, mais il va également vous informer sur les évolutions du droit. Car les règles changent régulièrement.

Aurais-tu également quelques conseils à donner pour bien gérer sa comptabilité au quotidien ? En particulier quand ce n'est pas notre tasse de thé...

Les entrepreneurs au sens large voient la comptabilité et la fiscalité comme une galère. C’est le genre de choses que l’on doit faire le samedi matin, où l’on doit demander de l’aide à son conjoint... En général, le côté pénible se concentre sur le fait d’aller retrouver les justificatifs dans ses papiers, sa boîte mail, les poches de son jean passé au lave-linge, ou autre.

On voit moins l’intérêt de la comptabilité en termes de gestion et de suivi, alors qu’elle permet d’être plus proche des frais que l’on avance dans le cadre d’une mission. Il est par exemple nécessaire de connaître tous les frais que l’on a eus lors d’une mission (déplacement, restauration, matériel ou autres) pour pouvoir calculer précisément si on a gagné de l’argent et combien on a gagné. D’où l'intérêt de ne pas faire ça une seule fois par an.

Le 1er conseil que je peux donner c’est de payer TOUTES les dépenses avec la carte bleue de la société. Les paiements en espèce, par chèque, ou avec sa carte bancaire personnelle sont à proscrire car ils sont la plupart du temps impossibles à retracer. De plus, il faut bien penser à mettre un libellé précis sur les virements que l’on effectue. Cela évite de se poser des questions a posteriori.

2ème conseil : Utiliser au maximum les applications pour sauvegarder les justificatifs. C’est une des premières choses que l’on a mise en place chez Acasi mais qui est également disponible chez les néo-banques, car ça permet, au moment où l’on paie, de recevoir une notification et de prendre directement une photo du justificatif.

3ème conseil : Créer des alias mails pour isoler les factures qu’on reçoit pour le paiement d’outils ou d’abonnements. Ça évite les erreurs dans les flux et de perdre des justificatifs. Au final, la clé est de prendre des habitudes qui vont permettre de ne pas perdre de temps et de se libérer l’esprit. Ce sont quelques minutes investies qui en feront gagner énormément au moment de faire sa comptabilité.

Enfin, si on veut aller encore un peu plus loin, on peut utiliser des outils de comptabilité qui vont permettent entre autres de suivre le cycle de facturation : les encaissements, les facturations. Ils vont donner la possibilité d’être plus précis dans le suivi client et de gagner encore un peu plus de temps dans la gestion au quotidien.

Un dernier point que je voulais aborder avec toi et qu’on se pose particulièrement quand on lance son activité de freelance, c’est la question du TJM (ou Tarif Journalier Moyen). De ton point de vue d’expert-comptable, que conseilles-tu pour le définir ?

En ce qui concerne le TJM, il y a bien sûr une dimension comptable à prendre en compte et à anticiper. Mais la première règle est avant tout commerciale, il faut que votre TJM colle au prix du marché. Ensuite, il y a une question de positionnement ou de stratégie commerciale, à savoir “est ce que je me positionne au-dessus ou en dessous du marché ?”. Ça, c’est à vous de voir.

Revenons à la dimension comptable. Ce que je conseille dans un premier temps, c’est de partir du nombre de jours travaillés dans l’année. Car on ne travaille pas 365 jours, du moins ce n’est pas conseillé ! Il faut prendre en compte les 2 jours de repos par semaine et les congés que l’on compte prendre dans l’année, comme ce serait le cas pour un salarié.

On considère généralement qu’il y a 250 jours “ouvrés” dans l’année, mais là encore, il est rare de pouvoir travailler 250 jours non-stop. On va avoir besoin de temps pour trouver des missions, faire des propositions commerciales, discuter avec des prospects, etc. Quand on démarre son activité, ce temps commercial va être particulièrement important et conséquent. Il est également intéressant de prendre en compte les temps de formation et de veille, pour se mettre à niveau des évolutions réglementaires, apprendre un nouveau langage, maîtriser un nouvel outil, etc.

Au final, quand on enlève tout cela, on se retrouve généralement autour de 200 jours travaillés dans une année entière.

À partir de ces 200 jours facturés, on va pouvoir définir un TJM qui correspond au revenu que l’on souhaite percevoir. Si on a été salarié auparavant, c’est assez simple : il suffit de regarder le montant net que vous touchez et de regarder en fonction du statut les montants bruts à facturer.

De plus, il est important de prendre en compte tous les coûts mensuels ou annuels auxquels on va faire face : sa protection sociale, son matériel, ses logiciels, etc. Ces coûts doivent être anticipés et impactés dans son TJM.

Pour terminer, j’ajoute qu’il faut anticiper que sa situation financière ne sera pas stable tout au long de l’année. Il y a notamment des périodes d’inter-contrat durant lesquelles il est préférable d’avoir un matelas de trésorerie. Ce matelas, il faut le constituer et savoir le conserver. Ça fait partie de la vie de freelance.

C’est une bonne conclusion ! Merci beaucoup Jonathan d’avoir répondu à ces questions et d’avoir apporté tes éclairages sur les choses à savoir quand on se lance !

Pour en savoir plus sur Acasi, rendez-vous sur acasi.io